Rencontre Avec Julie Monsacré – 3ème du Ladies WSOP à Las Vegas
Retour à la réalité pour Julie après son long séjour à Vegas. Elle a frôlé le bracelet, mais la jolie joueuse garde les pieds bien sur terre et analyse son parcours avec objectivité et sans complaisance. Rencontre avec l’une des meilleures joueuses françaises.
Bonjour Julie, je te suis depuis bientôt trois ans dans tes hauts comme dans tes bas, peux-tu raconter ton parcours pour ceux qui te connaissent peu ?
Déjà Mama je suis coquette et je ne donne jamais mon âge. J’ai un parcours très atypique, j’ai été obligée d’arrêter mes études et de travailler très jeune.
J’ai commencé au plus bas de l’échelle dans la pub comme hôtesse d’accueil pour finir cadre, Chef de Pub dans une agence. Je suis perfectionniste et j’avais envie d’aller plus loin et j’ai donc repris mes études avec le FONGECIF pour faire un MBA Communication et Médias.
Comme j’avais beaucoup de temps libre à cette époque, J’ai découvert le poker entre amis et c’est devenu immédiatement une passion. Je me suis tout de suite mise à jouer online en play-money et puis je « gagnais » donc je suis passée en argent réel.
Et là le coup de pouce du destin…
Oui on est en 2010, je joue pour passer le temps un super sat sur PS.com avec mes points FPP, pour une qualif à 11$ rebuy, winner take all pour un package Main Event WSOP. Je souhaite me désinscrire pour garder les 11$ mais c’est trop tard, donc je le joue et… je le gagne !!! Je ne me sentais pas du tout de le jouer, j’étais trop novice, j’ai préféré garder les sous pour commencer à monter ma BR, mais je me suis quand même offert le voyage à Vegas pour le plaisir.
Pour moi ça a été un vrai tournant dans ma vie. J’ai rencontré des joueurs du circuit et découvert une vraie communauté, vraiment sympa et qui contrairement à d’autres secteurs fourmillait de gens plutôt intelligents.
Lors de ce premier séjour, j’ai compris que ce style de vie me convenait parfaitement. J’hésitais avant cette expérience entre reprendre mon boulot et me mettre vraiment au poker : apprendre, progresser, persévérer, gérer et faire fructifier ma bankroll.
En les écoutant parler technique je voyais que j’avais vraiment du chemin à parcourir, mais j’étais vraiment fascinée et j’étais maintenant sûre que c’était ça que je voulais faire. Une révélation !!!
Et au départ ça a très bien roulé pour toi ?
Au début c’était juste nickel. Je réussissais à gagner sur les MTT et les S&G l’équivalent de mon précédent salaire ou un peu moins, tout en bossant depuis chez moi sans contraintes d’horaires et en faisant quelque chose qui me plaisait vraiment. Ça a duré plusieurs mois, c’était donc une évidence que je n’allais pas reprendre le chemin du bureau.
Puis quelques temps après avoir rencontré Antoine Saout, mon compagnon, j’ai merdé. Quand tu vis avec quelqu’un qui joue high stakes tu perds facilement tes repères…
Tu te dis bêtement « ben quoi moi aussi je peux le faire », tu veux prouver à ta moitié que vous pouvez être sur un pied d’égalité, que lui aussi va être fier de toi… J’ai commencé à jouer en cash game, hors bankroll, alors que mes bases techniques étaient insuffisantes.
Je ne sélectionnais pas mes tables, m’imposais des sessions trop longues, avec trop de tables, un vrai zombi ne pensant même pas à faire des pauses pour boire un verre d’eau … Le cash game ça ne s’improvise pas, il faut beaucoup de rigueur, aucune fantaisie dans ton jeu, une gestion de BR stricte et des nerfs d’acier.
Du coup j’étais en tilt permanent. Une période vraiment noire où, il faut l’avouer, j’ai spew ma BR solidement montée en MTT et psychologiquement j’étais mal. Je me sentais nulle, je doutais beaucoup, un gros sentiment d’échec que je n’avais jamais connu auparavant dans mon évolution professionnelle et mes différents boulots…
Antoine, de son côté gagnait, lançait un high roller quand je lançais mes 10euros… c’était vraiment dur.
Je ne raconte pas ça pour me faire plaindre, mais pour partager cette expérience et éviter à d’autres de faire les mêmes erreurs : Ne pas s’identifier ou se comparer aux autres, chacun a son parcours, à chacun son rythme.
Et puis surtout pour montrer qu’en s’accrochant et en travaillant sur soi-même on peut se relever, et y arriver !!!
Tu as beaucoup travaillé sur ton mental, ça se sent…
Plus tu whines, plus tu te pollues et plus tu modifies ton jeu en conséquence. Se plaindre, raconter aux autres ses bad beats, comparer ses résultats à ceux des autres est une énorme perte de temps et d’énergie. Il faut se forger un mental de gagnant, c’est indispensable pour perfer au poker, comme dans le sport.
Le Tilt est le pire ennemi du joueur et il faut vraiment apprendre à le gérer, comme il faut apprendre à se servir de ses erreurs passées pour avancer. Rémy Epinoux, Coach mental m’a beaucoup aidée dans cette voie, dans cette remise en question pour corriger mes faiblesses.
J’ai joué alors de manière plus sereine, et petit à petit j’ai monté à nouveau une BR tranquillement. Ça commençait a à peu près bien marcher pour moi à nouveau depuis quelques mois et puis Vegas cette année s’annonçait plutôt bien : je me suis qualifiée sur Barrière.fr pour l’Event 60 à 1500€ des WSOP et sur PS.fr pour le Main. La même qu’il y a trois ans, je suis partie d’un sat à 3€ rebuy, puis le ticket à 50€, transformé en ticket à 300€ et de là, le package ME. Cette fois-ci j’ai décidé de le jouer et j’ai vraiment kiffé !!!!
Très étrangement, je n’ai jamais été aussi à l’aise à une table ! J’ai joué mon meilleur poker contre des joueurs solides et cette sensation de dominer parfois la table était jouissive. J’avais monté un joli stack (80K) mais j’ai pris un sale coup en fin de Day1. Je suis revenue en Day2 avec 22K soit 40BB, j’ai bataillé pour doubler, puis tripler. Changement de table et pan : en 15mn et 6 mains jouées, out. Un peu dur … mais je ne regrette pas, l’expérience était exceptionnelle et j’espère la réitérer.
Et ce Ladies alors, tu nous as vraiment fait vibrer !!!!
Dire que j’étais crevée et j’ai failli me désinscrire sur les conseils d’un pote !!!
J’ai juste eu un grand coup de chatte au 2eme niveau en doublant en bataille de blinds TT vs KK, puis j’ai joué solide toute la journée. A force, je connais bien le jeu des Ladies et j’ai joué très prudemment, même sur des coups où ça m’a fait mal de folder.
Il y avait 954 joueuses au départ et 117 ITM. Pas le droit à l’erreur. Au Day2 on n’était plus que 4 françaises : Hermance Blum (102e pour 1631$), Lara Boutros (18e pour 6 387$), Claire Renaut (12e pour 9805$) et moi.
La bulle est vite passée et une fois dans l’argent j’ai continué à grinder tranquillou. Je dois d’ailleurs énormément à Aurélie Quelain qui y croyait même plus que moi et m’a soutenue et encouragée de bout en bout. « Tout est NORMAL » me disait-elle « Ne t’inquiètes pas, tu feras TF ! »… alors que je me sentais parfois au bout de l’aventure.
J’ai perdu un gros coup contre la joueuse australienne Leanne Haas qui finira 2e. On est toutes les deux avec des tapis confortables aux alentours des 35 BB average 20bb, il reste une trentaine de joueuses dont certaines mourantes, je raise avec AsQs en SB et elle m’envoie son tapis. Je tank, je finis par payer et dégoutée elle montre A4. Le 4 river… il me reste DEUX blinds et je l’ai vraiment mauvaise. Je ne comprends toujours pas son move à ce moment-là du tournoi. Mais je m’accroche, et je continue d’y croire…
Et là la Table Finale …
Oui TF mais du coup pas dans les meilleures conditions. Même si j’ai réussi à doubler deux fois j’ai l’avant-dernier stack de la table et je ne vais pas pouvoir agresser comme je le voudrai. Sans ce ‘, les choses auraient étés bien différentes … et puis il y a quand même une sacré pression : une TF des WSOP, la table est télévisée et, surprise, pas mal de joueurs français sont venus me soutenir. J’ai aussi beaucoup d’échanges en MP avec Vanessa Hell qui m’a encouragée dès le premier jour. Ça m’a beaucoup touchée et ses conseils m’ont étés très utiles.
D’ailleurs on ne pense jamais à dire merci, alors MERCI aux personnes qui étaient présentes sur place pour m’encourager, ou à celles qui l’ont fait à distance : Aces Group, mon agence (papa Jooles et Julien Di Pace), Roro, Gloub, Gaëtan Balleur, Flavien Guenan, Antonio Karma, Gwendoline Jgwen, Aurélie Quelain, Mama, Yoh Viral, Alban Juen, Kasher Soze, Lunder, Jellyfish, Clément SMC, Quentin Lecomte, Vanessa, Sarah Herzali, Claire Renault, Greg de PMU, Karine, ceux que j’ai oublié et Antoine bien évidemment.
Avec le recul, je pense que j’ai manqué d’agressivité. Je visais la win et le bracelet et je ne regardais même pas les paliers totalement concentrée sur mon jeu. Il y a eu quelques mauvaises rencontres à table et malgré mon petit stack, à 3 left j’étais toujours là. D’un seul coup j’ai eu une vraie bouffée d’adrénaline, un coup de pression, la victoire était si proche, et pourtant si loin !!!
J’étais assise d’un côté de la table avec mon petit tapis d’une dizaine de BB et les deux autres étaient à l’autre bout avec leurs gros tas de jetons comme des vautours. Je suis partie à l’attaque faisant all in dès que je le pouvais. Un K9 à 10BB en SB me sera fatal.
La gagnante canadienne Kristen Bicknell mérite la victoire c’est une excellente joueuse. Quant à l’australienne qui fait runner up, GG à elle, même si son move en bvb avec A4 m’a fracassé mon tournoi. C’est très frustrant car avec plus de jetons j’aurai été bien plus à l’aise et aurai joué différemment cette TF. Là j’étais obligée de subir… Mais cette 3ème place reste une belle perf ! (67 331$)
Comment vois-tu l’avenir proche…
Je suis fière et contente de ce deep run mais je suis dure avec moi-même : je veux me prouver que je peux faire beaucoup mieux. Cette perf va m’amener à me surpasser pour en faire d’autres, surtout sur des tournois « mixtes » où je n’ai pas encore de performance notable à ce jour.
J’ai encore relevé mon niveau d’exigence vis-à-vis de moi-même. Mais je veux rester les pieds sur terre : je ne m’emballe pas, je n’ai pas augmenté mon niveau de buy in, je n’ai pas claqué du fric en conneries et pareil pour le Live je ne vais pas trop augmenter mes limites. Sinon je vais jouer le WPT Marrakech sous les couleurs de PMU.fr… – Calendrier de la Saison 12 du Wolrd Poker Tour
Tu ne t’es même pas fait un petit cadeau, genre une belle paire de pompes, un sac… Sponsoring en vue du côté de PMU ?
Même pas non, je ne trouve pas que ce soit encore mérité Pour PMU Poker c’est un échange de bons procédés : j’ai joué la TF à Vegas sous leurs couleurs et ils m’ont offert le package WPT Marrakech que je jouerai également avec eux. Bien sûr comme tout le monde j’adorerai être sponsorisée car j’adore le Live, mais je ne me fais pas d’illusion je connais l’état du marché, il ne faut pas rêver. Les WSOP avec Pmu et ses 26 qualifiés.
Et du côté personnel tu vois ça comment ?
Je commence à envisager d’avoir une vie de famille. La maternité ne me semble pas du tout incompatible avec la vie de joueuse. Quand je bossais dans la pub finalement cela aurait été plus compliqué : tu travailles comme une acharnée, tu as le temps de rien, même trouver un mec et faire en sorte d’avoir une relation saine et qui fonctionne c’est compliqué… même si je dois oublier le circuit Live quelques temps, grinder online ne me semble pas du tout impossible en élevant un enfant. Il y a des joueurs et des joueuses qui en ont d’ailleurs, il faudrait leur demander
Un mot pour conclure pour toutes les joueuses de poker ?
Si vous êtes des joueuses récréatives qui pratiquez le poker comme un loisir : continuez de kiffer et n’écoutez pas les crétins qui se moquent des Ladies ou des micros buy in. Ils ne comprendront jamais que vous n’avez pas les mêmes objectifs et que souvent vous avez déjà une vie bien remplie à côté !
Si votre rêve est de gagner votre vie au poker, de réussir dans cette voie, de monter une vraie BR et de rentrer sur le circuit, foncez !!! Donnez-vous les moyens de vos ambitions, tout est possible, la preuve…
Souhaitons le meilleur à Julie pour la suite, tant dans sa vie personnelle qu’aux tables. On ne peut qu’être conquis devant tant d’objectivité et d’exigence sur soi-même et gageons qu’elle n’a pas fini de faire parler d’elle sur le circuit international.