Nicolas Dervaux : Tortue Géniale
Nicolas Dervaux est un joueur discret, qui bien qu’il soit sponsorisé par Unibet ne ressent pas le besoin de faire parler de lui à tout prix. Surnommé “Turtle” (La Tortue) il a la discrétion de son animal totem, son endurance, sa sagesse et sa longévité.
Pas facile de le faire sortir de sa carapace au départ, mais après quelques poignées de minutes de conversation, ne se sentant pas en terrain hostile, il s’est un peu livré. Rien ne sert de courir, nous avions le temps et sous les écailles protectrices, on découvre un personnage attachant, sensible et passionné, qui porte un regard clair et sans illusions sur PokerLand.
Une enfance surdouée sur les pelouses
L’histoire commence en décembre 1974 à Saint Maur dans la banlieue est de Paris:
“ Papa flic et maman fonctionnaire au Trésor Public, on est bien loin du Poker. J’ai un grand frère qui est Prof de maths et passionné de casse-tête. On aime bien tous les jeux de logique dans la famille.. J’habite toujours à Saint Maur, à deux pas de Paris sans les inconvénients de la vie parisienne.”
Le petit Nicolas (NDLR : promis je ne la ferai qu’une fois) est un petit garçon turbulent : ” J’étais un élève fumiste, je travaillais peu vivant sur mes acquis. Les profs me trouvaient peu intéressé par l’Ecole, malgré des résultats corrects. On a fini par me faire passer des tests à l’adolescence, quand ils ont vu à quelle vitesse j’avais appris seul à jouer aux échecs. Ils ont révélés que j’étais un enfant surdoué, ce qui expliquait à quel point j’étais inadapté au système scolaire classique.”
La grande passion de Nicolas, c’est le football. Là encore il excelle. Il joue au Club de Vincennes et est repéré très tôt comme étant un excellent élément. Son rêve ? Devenir joueur professionnel. Comme beaucoup de petits garçons me direz-vous, sauf que lui en a les réelles capacités :
“J’étais fan de ce jeu, mais pas du genre à coller des vignettes dans un album. Fan du football de la beauté du jeu et pas des joueurs. J’étais bon, j’avais un vrai esprit de compétition et je voulais en faire quelque chose. A mes 19 ans plusieurs grands Clubs voulaient me signer, une opportunité énorme. Mes parents n’étaient pas chauds du tout, pour eux c’était presque dévalorisant cette carrière, je ne me suis pas senti soutenu à un âge où on a plus de mal à prendre des décisions seul et j’ai refusé.
Je n’ai plus jamais rejoué. Je voulais être Pro ou rien. C’est bien sûr un immense regret en forme de point d’interrogation : qu’est-ce que ça aurait donné ? Pour le Poker ça a été différent : j’avais l’âge de décider et là au moins je n’ai aucun regret.”
Du foot au billard au Poker
Après un Bac commercial, Nicolas poursuit avec un BTS mais arrête rapidement :
“ Le système scolaire ne me plait pas, ne m’apporte rien : ma structure d’esprit particulière fait que je ne peux pas apprendre des autres, je suis un autodidacte, je ne peux fonctionner que comme ça.
Je trouve un job de commercial dans un Centre de remise en forme dans le 13e arrondissement et en 6 mois, du haut de mes 20 ans, on me confie la direction du centre. ”
Il y restera 4 ans. Parallèlement après son arrêt total du foot, Nico s’est découvert une nouvelle passion : le Billard Américain. Il y excelle très vite et rentre au Top 30 des meilleurs joueurs. Il a 24 ans quand il décide d’ouvrir son propre Pub-billard à Saint Maur.
Son responsable de Club joue au Poker en ligne et lui propose de lui enseigner les rudiments. On est en mai 2005 et la suite se déroule comme dans un rêve :
“ Je dépose 200€ sur Unibet et au début je fais n’importe quoi genre caver à 100€ sur une 0,5/1, mais très vite j’ai la sensation de progresser chaque jour, ma BR augmente de plus en plus et je deviens l’un des plus gros gagnants sur Unibet. Je ne connais aucun autre joueur, je vis mon Poker en autarcie totale. Je fais quelques parties privées, je continue à gagner. En décembre 2007 je tombe par hasard sur un documentaire à la télé : That’s Poker de Hervé Martin Delpierre, qui suit Fabrice Soulier et Isabelle Mercier à Vegas.
Ce reportage va susciter en moi une réelle envie de participer aux grands tournois du circuit professionnel, mais sortir 5000€ pour un tournoi, ce n’est pas sérieux. Je commence donc à m’intéresser aux satellites. Je gagne mon 1er sat sur 150 joueurs et me retrouve à jouer un WPT BootCamp aux Bahamas. Le 2e sat, je prends mon package pour l’EPT Copenhague, où je terminerais 6e pour 200 000 $.Ça parait incroyable de naïveté avec le recul, mais j’étais persuadé que j’allais gagner. Dans la foulée je signe avec Unibet ”
Vis ma vie de Sponso
Depuis Nicolas et Unibet ont toujours renouvelé leur partenariat. 5 ans que La Turtle parcoure le globe sous les couleurs (vert, logique pour une tortue) du sponsor de ses débuts, bel exemple de longévité :
” Mais j’avoue que j’ai pris un coup de vieux récemment quand Quentin Lecomte a signé dans la Team Pro Unibet… J’ai réalisé à ce moment là que j’avais l’âge d’être le père de mon nouveau partenaire…lol”
J’étais très proche de Pasqualini mon ancien partenaire ; il était même l’un de mes meilleurs amis au Poker. Au moment de l’Affaire, on était en pleine renégociation de nos contrats. A 24H près il resignait et là les choses auraient été beaucoup plus compliquées. Je n’ai plus aucune nouvelles de lui …J’aurais aimé qu’il me contacte, qu’on en parle, il ne l’a pas fait. Peut-être m’en veut-il de ne pas avoir pris position pour lui comme d’autres l’ont fait. Mais les images sont vraiment troublantes et j’ai refusé de répondre aux médias justement pour ne pas l’enfoncer. ”
Un OVNI sur la planète Poker
Nicolas en dinosaure du microcosme a connu l’âge d’or du Poker et assiste fataliste à son déclin avec un regard sans concessions sur les joueurs et sur le marché :
” J’ai pu observer les anciens et les nouveaux et je pense que la force de la jeune génération est qu’ils forment un vrai groupe. Leur faiblesse est qu’ils sont pour la plupart formatés et pensent détenir la vérité.
Une room se doit d’avoir des profils différents en termes d’âge et de parcours pour toucher le plus grand nombre. Regarde par exemple Eurosport qui avait tout misé sur les jeunes grinders se sont plantés, le réseau d’action était trop faible.
Le Poker professionnel est en phase de déclin, voire voué à disparaitre. A cause du FISC soit on migre, soit on vit dans l’opacité, soit on a la chance d’être sponsorisé. Qui peut se permettre de mettre 5000€ dans un tournoi et de payer tous les frais annexes. Cela ne pourra pas durer, le système souffre. C’est triste on a oeuvré pour le Poker de haut niveau et ça se casse la gueule.
L’avenir est aux plus petits buyin et aux destinations abordables. On le voit avec le succès des FPS, des Unibet Open, celui des DSO ”
Pour autant Nicolas est sceptique sur l’organisation des Etats généraux du Poker souhaitée par Philippe Ktorza :
” L’idée est louable mais à mon avis cela ne débouchera pas sur grand-chose. Tout est trop cloisonné. Avec le FISC et l’ARJEL il n’y a pas de discussion possible. Et puis nous évoluons dans un milieu qui critique beaucoup mais qui semble dans la critique non constructive. Si Philippe a besoin de moi, il sait qu’il peut toujours compter sur moi…
Je me sens plus proche du Poker amateur, qui s’est lui bien développé et certains tournois organisés par des Clubs, n’ont rien à envier aux tournois pros. Les pros en majorité n’ont que le Poker dans la vie, je me sens marginal dans ce milieu : je joue parce que je suis bon, mais ma vie ne tourne pas autour de ça. Je suis content d’avoir découvert le Poker sur le tard car je me suis construis avant, sur d’autres bases. Les gamins qui n’ont connu que ça…
Sur un tournoi pro tu me verras rarement manger avec les joueurs par exemple : les entendre se plaindre de leurs bads, ça ne m’intéresse pas, je n’ai aucune empathie et je suis bien mieux seul dans ma chambre d’hôtel. A côté de l’effort mental et psychologique demandé par une compétition de billard où tous les regards sont braqués sur toi, la concentration demandée au Poker et les bads que tu prends c’est de la gnognotte !!! Au Poker tu peux faire illusion un temps, au billard, impossible.
Je dois être une sorte d’OVNI dans ce milieu et mon surnom l’exprime très bien : une tortue qui parait inoffensive et puis comme dans la fable … Ma carapace mentale acquise au billard, je l’ai transposée sans peine au Poker.
J’aime dés que c’est possible jouer des tournois avec les amateurs et je les joue avec le même sérieux qu’un EPT, c’est une question de respect et je reste avant tout un compétiteur.”
L’Arena Poker Camp c’est pour bientôt
Nicolas a donc monté de toutes pièces un séjour poker et farniente en Espagne destiné à ces joueurs amateurs, qui se déroulera cette fois du 15 au 19 avril à Lloret de mar.
Les qualifications ont déjà commencées sur Unibet et cette 4e saison après une annulation et un an de silence promet d’être un succès :
” Devant le succès de l’Arena, les casinos faisaient un peu la gueule : 350 joueurs ça commence à compter. Ils nous ont sorti une vieille loi catalane stipulant qu’on ne peut jouer hors casino. Pas de prise de risque, on a préféré annuler, rembourser tout le monde et j’ai remonté le projet en m’appuyant sur une nouvelle équipe et un partenariat avec un Casino.
Avec mon fidèle acolyte Pierre Bertrand Ducaroir (NDLR : ex Docteur Stratagème) ont a tout repris et le mot d’ordre est simple : un Poker plaisir mais sérieux dans une bonne ambiance. Il y aura des coachs qui ont fait leurs preuves comme Rémy Epinoux, Filouzof, et bien d’autres. La radio Poker dream’s fera des émissions en direct et puis il y aura une certaine Mama de Pokerenligne.com pour raconter ce qu’il se passe à l’Arena.
Je ne me considère pas en concurrence avec le Florida même si nous avons un historique compliqué. Nous ne visons pas la même clientèle : à, l’Arena on vient en priorité pour améliorer son Poker dans un cadre sympathique. Je suis moi quelqu’un de réglo, je tiens toujours mes engagements, je n’ai qu’une parole, mais j’ai aussi de la mémoire…
J’essaye aussi toujours de relativiser dans ce milieu plein d’à priori. Dès que tu as un peu de notoriété, on parle de toi en bien ou en mal et moi je me fais toujours une opinion par moi-même sur les gens. Et puis ce n’est pas parce que tu es bon dans un domaine aussi dérisoire que le Poker que cela te donne une valeur en tant qu’être humain : beaucoup ont tendance à l’oublier.
Quand j’ai reçu la médaille d’honneur d’une Ville où j’étais invité avec la Marseillaise et tout j’ai trouvé ça totalement disproportionné. Le poker ce n’est pas que des cartes et des coups, il faut conserver la notion de plaisir. Les blogueurs par exemple rendent le Poker spirituel et drôle, je pense à Frédéric Brunet.
L’Arena est pour moi conçu dans cette optique, j’ai hâte de revoir tous mes potes : l’avenir nous dira si il y aura plusieurs éditions”
En attendant Nicolas vit paisiblement dans sa bonne ville de Saint-Maur avec sa compagne, et Turtle junior âgé de 10 ans est prêt à marcher sur les traces de son papa au billard, souhaitons-lui la même réussite.
Au moment où je mets le point final à cette interview, Nico est en TF à l’ACF… GL Turtle