Guillaume Gleize : Merci L’arbitre !!!
Le WiPT se déroulera dans une poignée de jour à Clichy. Matthieu Duran a passé un an à tout caler et va maintenant pouvoir passer le relais à son complice, qui officiera dès jeudi matin.
Travailler dans le Poker et avoir comme initiales GG ça commence plutôt bien. Guillaume Gleize fait partie des tout meilleurs Tournament Directors français, ça c’est un acquis. J’avoue avoir toujours été intriguée par le personnage : un côté très vieille France perceptible depuis son phrasé, jusqu’à la pointe de ses Westons cirées, mâtiné de bagou et d’humour, le tout rythmé par une gestuelle exubérante et un sourire malicieux.
Une sorte d’OVNI à Pokerland, qui m’a raconté un parcours éclectique, placé sous le signe de la Liberté. Rencontre avec un Libre Penseur.
Une enfance rurale
Guillaume est né en 1962 à Paris mais passera toutes son enfance autour de la Loire, en Loiret, Loir et Cher et Indre et Loire. (NDLR : merci à lui je chantonne depuis hier du Delpech, impossible de m’en dépêtrer). Dès le début de l’interview il part dans tous les sens, souligne un détail, revient en arrière saute 10 ans pour reculer de 20 et je me dis que si il y a de la matière, ça ne va pas être simple à retranscrire.
“Je suis un enfant de la campagne, j’ai vécu toute mon enfance dans une maison en pleine forêt dans le Loiret. Mes parents sont originaires d’Avignon et mon nom se prononce comme dans le sud : Gleïze, ça a quand même plus de gueule que Gleize, qui fait terre glaise !!! Ça veut dire église en provençal, je dois avoir un ancêtre tonsuré …
Mes parents ont longuement vécu en Afrique après la guerre et quand ils ne voulaient pas qu’on les comprenne ils parlaient soit en patois provençal, soit en baoulé (NDLR : langue ivoirienne).
Mon père était pupille de la nation, mon grand-père étant mort à 17 ans lors de la première guerre. Je n’ai jamais exactement compris ce qu’il faisait. Il était souvent absent et avait des affaires à l’étranger, Afrique noire et Amérique du sud : cacao, bateaux de pêche… Un aventurier qui nous donnait un niveau de vie très confortable. Sur la photo c’est lui là, avec son singe que mes parents avaient nommé … Guillaume
Une enfance aisée et rurale, heureuse avec une éducation à l’ancienne. On prenait des taloches à l’école, ça nous faisait rire, on appelait ça « les joues blanches », un côté blanc, un côté rouge. J’étais l’ainé de 5 enfants, un tous les deux ans et avec notre tempérament du sud, inutile de te dire qu’il fallait parler fort pour se faire entendre.
Notre terrain de jeu c’était la campagne, la forêt, des cache-cache sur des espaces de 10km, des courses dans les champs, un troupeau de gamins où les fils de fermiers jouaient avec les nobles du coin. Un curieux mélange qui ouvre les chakras, qui apprend le respect. A l’époque j’aimais déjà organiser et je pense que c’était en partie dû à ma position d’ainé de la fratrie : chasse au trésor, jeux Olympiques, jeux de société, j’adorais prendre les choses en main.
Et puis vers mes 10 ans, ma tante Paule, encore une aventurière qui après-guerre est parti toute seule vivre en Afrique, m’a expliqué le Poker à 5 cartes. D’ailleurs lors d’une étape du France Poker Tour à Tours elle est venue au tournoi, j’ai expliqué au micro que j’étais là grâce à elle et cette vieille dame de 92 ans a eu droit à une standing ovation des 500 joueurs présents, ManuB en tête.
Elle m’apprend donc le Poker et tout de suite je le surnomme « le roi des jeux » : hé oui pour l’organisateur que je suis c’était génial !!! C’est facile à expliquer, tu peux jouer à 2, 4,8 joueurs, juste des cartes et des jetons. Ce que je préfère dans les jeux c’est organiser et expliquer : organiser les loisirs des autres, me plait plus que de jouer. ”
Du Base Ball à l’Armée
Guillaume est un jeune-homme sportif. Le Rugby d’abord, puis il éprouve une fascination pour les sports américains.
“J’étais un élève moyen mais passionné de sport. Au lycée j’organisais des cours de Base Ball, Cricket… Mon père avait du flair et pensait que l’anglais devenait indispensable, il m’a donc envoyé deux ans de suite pour mes 16 et 17 ans en immersion totale dans une famille américaine. J’ai eu un vrai coup de foudre pour ce pays. Dans les années 70 aimer le sport en France c’était la honte, complètement ringard. Aux USA au contraire c’était super bien vu, je suis devenu moins introverti et avec mon accent frenchy j’avais toutes les filles à mes genoux “
De retour en France, Guillaume entreprend des études de Droit sans conviction, fait la fête de manière beaucoup plus convaincue, et monte un Club de Football américain qui existe toujours : “Les Pionniers de Touraine”. Deux ans de Droit et arrive le temps du service militaire :
“Je fais mes 3 jours, on me propose d’être officier et je refuse. De retour à la maison mon père me dit que je suis stupide : Quitte à ne pas aimer, il faut toujours mieux commander qu’obéir : le temps passe plus vite. Je fais une demande pour refaire mes 3 jours, j’accepte cette fois de prendre un grade d’officier et puis finalement je m’y trouve très bien et je reste 4 ans sous les drapeaux. J’apprends à commander en étant apprécié, ce qui doit être la base d’une relation hiérarchique : demander à ses hommes des choses pénibles, sans qu’ils t’en veuillent, oui j’aime être aimé…
Je suis lieutenant d’abord dans la marine, puis en montagne. J’ai fait le Liban aussi, avec son lot de traumatismes inévitables en temps de guerre…
Au bout de 4 ans ce sera un divorce à l’amiable : je suis trop indépendant, insoumis, je cumule les punitions style « a désobéi sciemment à un ordre donné» ”
Guillaume : le Job Trotter
Il annonce la couleur : 54 jobs et métiers à son actif et une poussée d’urticaire au mot carrière :
“Je n’ai jamais pu raisonner en termes de carrière. J’aime apprendre, je suis l’inverse de ce qu’on demande de nos jours : je ne cherche pas à être un spécialiste mais plutôt un généraliste qui sait un peu de choses sur beaucoup de sujets. Mais dès que je fais quelque chose c’est à fond.
Par exemple j’ai eu un business d’importation d’Art Africain. Je recevais des containers entiers et très vite je suis devenu un spécialiste capable de déterminer l’ethnie, l’essence du bois, savoir rien qu’en touchant la patine si un masque avait dansé ou pas.
J’ai été guide privé pour des VIP en Touraine. Je suis passionné d’histoire et je trimballais des couples de touristes américains visiter les Châteaux de la Loire, les caves à vin, mais aussi les bons restaus et les boites.
J’ai travaillé quelques années pour Panavision, je vendais du matériel pour les roadies. Dans la série pas drôle j’ai été physio en boîte de nuit mais je n’ai pas aimé le type de consignes données : être obligé de refuser l’entrée à un black qui n’a rien d’une racaille juste à cause de sa couleur de peau ce n’est pas pour moi.
Idem dur les cueillettes des pommes ou de cornichons, des jobs très pénibles physiquement, j’ai beaucoup de respect pour les agriculteurs. En fait dans les petits boulots que j’ai pu faire, je crois que le plus dur pour moi c’est quand je tombe dans un milieu de sécheresse intellectuelle totale : parler uniquement de foot, de films d’action et de cul, c’est un cauchemar pour moi ”
Les débuts dans le Poker
En parallèle Guillaume qui a maintenant découvert le Texas Holde’m, organise des tournois chez lui, puis dans divers hôtels sur Tours : le TEC Tournoi Entre Copain :
“Nous sommes en 1999, j’organisait ces tournois à 50€ en faisant de la pub sur les premiers forum, dans une méconnaissance absolue de la loi. Le Poker commençait à exploser, les joueurs venaient de partout, c’est là que j’ai rencontré mon ami et Pionnier du Poker : Loïc Sabatte ainsi que Laurent Dumont par exemple. Un jour au Mans, Loïc à organisé un STT invitational avec toutes les personnalités du Poker naissant, j’y ai rencontré Michel Abecassis et Almira Skripchenko, bon pour le détail j’ai gagné LOL.
J’ai été à l’époque invité par le Casino Barrière de Deauville pour initier des VIP au Poker dans une magnifique cave à vin.
C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Antoine Dorin. J’étais vendeur à Go Sport à l’époque et si tout le monde jouait de plus en plus, personne n’organisait. Antoine avait déposé sa marque Le France Poker Tour et créé sa société Carré and Co. Il m’a contacté pour devenir son TD et au même moment Winamax m’a fait la même demande. J’ai hésité et choisi Dorin pour plusieurs raisons : à l’époque Wina était basé à Londres ce qui compliquait les choses au niveau contrat et imposition, et puis ils me disaient honnêtement ne pas avoir encore de projet précis en évènements lives. Le FPT me mettait plus en avant, me donnait plus de visibilité, j’ai tranché pour Carré and Co, tout en gardant de bonnes relations avec l’équipe Winamax.
Carré and Co a donc organisé les 6 premiers FPT : le premier à l’ACF, le 2e avec Everest, le 3e avec Unibet et les éditions 4, 5 et 6 avec Winamax.
On est à l’âge d’or du poker et la société m’envoie travailler de partout : je fais l’émission Stars of Poker pour PokerStars, Job de Star aussi, je me retrouve TD pour Everest sur un bateau qui sillonne les iles grecques, je croise Julien Brécard dans les aéroports, une époque de folie.
C’était aussi l’époque des guerres rocambolesques avec la Police des jeux, puisqu’avant l’ARJEL on n’avait pas le droit de sigler les jetons aux logos des rooms. On jouait aux cow-boys et aux indiens, ils faisaient des descentes pour saisir les jetons, nous on avait des jetonneries de rechange, on planquait les ordis dans les toilettes, de la folie.
Une fois on attendait 500 joueurs au Tapis Rouge, boum ils débarquent brassards, flingues, ils embarquent tout le matos… Dorin est assis par terre un peu sonné, Fitoussi devait venir entre autre… Il m’a filé un chéquier, je suis parti faire la tournée des magasins de Poker en taxi. Je rentre dans le magasin, il y avait un gamin qui marchandait son paquet de cartes, je dis au patron il me faut 50 000 jetons je les prends maintenant. Il a offert le jeu de carte au gamin tout content, je suis reparti avec les jetons, j’ai dû refaire en catastrophe toute la structure du tournoi.
Et puis les rapports se tendent entre Winamax et Dorin : il a des ardoises de partout, salles non payées, c’est la faillite. Le FPT numéro 6 a été un cauchemar pour nous. La veille du tournoi au Louvre PC de crise à 20H au Mac Do du Mans : les tables sont abimées par des infiltrations d’eau là où elles étaient entreposées, les camions de transport ont les roues totalement dégonflées, il pleut des cordes. On roule de nuit sur des petites routes pour éviter les flics, on dort à peine deux heures, je ne sais même pas où est ma valise, on commence l’installation à 5 heures du mat, juste une horreur. Une ambiance d’apocalypse : j’en ai fait des malaises !!! ”
Winamax Time
Même si il est maintenant TD free-lance et travaille également pour d’autres types de structure, Guillaume travaille principalement avec Winamax.
“C’est Matthieu Duran qui est venu me chercher et on est très complices. Ce type est génial, je l’appelle « Le Superviseur » et je ne suis que son éminence grise : moi c’est le jeu en lui-même, lui c’est tout le reste. Par exemple si tu me demandes combien de joueurs resteront à 17H30 au Day3, je suis capable de te répondre. Le Jour J Matthieu me glisse : « A toi de jouer »
Je vais travailler en alternance avec Michaël Lesage notre Yves Saint Laurent de Clichy : on ne voit plus que lui là, grand, sec, beau, moi avec ma brioche il faut que je supplie les photographes, alors que c’est très bon la brioche !!!
Je ne serai pas sur le tournoi par équipes, d’ailleurs je boude. Je trouve l’idée tellement géniale !!! Ca redynamise le Tour, ça touche encore plus d’amateurs, c’est vraiment une sacré bonne idée !!
En dehors du WiPT je fais soit d’autres activités poker , je vais par exemple former des floors et des TD pour le Club des Clubs, j’ai fait un EPT à Londres, soit d’autres jobs comme la photo. Pour les étapes provinciales du WiPT on s’est partagé les régions. C’était un soulagement : j’ai deux enfants : un garçon de 8 ans et une fille de 4 ans et ils sont ma priorité. J’ai du respect pour Matthieu qui a une vie de marin avec ses aller-retour Paris-bordeaux.
Je fais aussi des articles et je conçois des formules de classement. J’ai par exemple fait celui de Live Poker. Mais même si se sont des mathématiques, mon amour de l’humain y trouve sa place car un classement reste toujours subjectif : par exemple qui est le meilleur entre un joueur qui sera trois fois 2e et un qui fera 1er, 2e, 4e… »
Tournament Director : un métier
Guillaume est passionné par les règles du Poker et avoue être connecté quasi H24 avec des membres du TDA.
“Paradoxalement j’ai mis les pieds à Vegas pour la première fois cette année avec Matthieu, pour assister à la réunion TDA. J’étais comme un musulman pratiquant qui ne serait jamais allé à La Mecque !!! Ça doit aller avec mes études de Droit : l’arbitrage ça me passionne !!!Travailler sur les jurisprudences, trouver des consensus entre TD….
On a de très bons TD en France . J’aime bien Nicolas Fraioli et Michaël Lesage. Cédric Billot, beau gosse intelligent et doué que j’ai un peu formé au début a préféré se diriger chez Pokerstars vers l’organisation générale. J’ai croisé en revanche ici ou à l’étranger des TD qui ne savent pas sourire et mettent une mauvaise ambiance dans le staff.
Je n’aime pas travailler dans le stress c’est pourquoi j’aime montrer du respect à mes collaborateurs et que le moindre détail soit prévu. La précision c’est important, mais ça n’empêche pas de faire le con ! Cette nuance entre précision et décontraction est difficile à comprendre pour certains. Je peux me séparer de croupiers qui ne comprennent pas ça, c’est une question de respect et de plaisir du joueur. Par exemple pour moi 8H00 ce n’est pas 8H01.
Il faut aussi savoir intervenir aux tables, c’est un métier polarisé : on est à la fois une sorte de majordome tout sourire « Puis-je vous aider » mais on doit être capable de se transformer en général en chef : « Taisez-vous ou sortez !! »
J’aurai du mal à travailler dans un établissement fixe où il faut prendre en compte l’aspect commercial de combien lâche un joueur à table. Si un joueur connu se conduit mal dans mes tournois, il sera sanctionné comme tout le monde : égalité devant la loi.”
Pour Guillaume la triche reste un sujet marginal.
“C’est vrai qu’on se retrouve parfois sur certains tournois avec quelques jetons de plus qu’au départ, ou comme sur le WiPT avec moins, mais là c’est plus des joueurs qui emmènent un souvenir et c’est anticipé. Il y a de plus en plus de tables télévisées ce qui permet de surveiller et puis certains croupiers et floors sont très forts pour observer ce genre de comportements et je m’appuie sur eux. De même, ce jeu commence à être très bien compris techniquement et les tricheurs se font aussi repérer par l’incohérence de leur réussite par rapport à leurs moves. Il faut combattre fermement ce fléau et encore une fois avec la même fermeté quel que soit le joueur.
Je ne couvrirai jamais un joueur qui triche ou qui insulte et ce sera lui ou moi si un organisateur ne me laisse pas faire … je ne suis pas du genre à faire des courbettes. J’ai choisi l’indépendance au détriment de la sécurité, ce n’est pas pour rien. »
On l’écouterait parler durant des heures Guillaume. Vous le retrouverez dès jeudi au CCM micro en main. J’ouvre les paris sur la couleur de sa cravate… Une dernière anecdote sur le Monsieur, qui montre tout son charme et son savoir-vivre : il y a deux ans il y avait une femme en TF du WiPT, nous étions le premier mai et Guillaume lui avait amené un brin de muguet enveloppé d’un compliment …