Pierrick Torasso : Indépendant
Pierrick: un amoureux du Poker
L’Open de France d’Annecy lancera son Shuffle up and deal dès demain à 11H au Casino Impérial, sous l’égide de PMU.fr. L’occasion de rencontrer l’organisateur de l’évènement Pierrick Torasso.
Quand on prononce le nom de Pierrick Torasso les réactions sont souvent tranchées: soit un sourire d’une oreille à l’autre, soit un visage qui se ferme instantanément. Quel homme se cache derrière l’organisateur controversé de tournois à buy in modérés sur le circuit indépendant.
Bonjour Pierrick, on se connait un peu, je sais qu’avant le Poker tu étais dans une carrière aux antipodes…
Oui c’est vrai j’ai un parcours atypique. J’avais commencé des études d’Histoire et Géo à Lyon, mais la fac n’était pas du tout adaptée à mon mode de fonctionnement et à 19 ans je trainais plus dans les salles de billard, ma passion de l’époque, qu’en cours… j’ai donc fait quelques premières années.
Je jouais au Tennis de table à un bon niveau et avec mon Brevet d’état d’éducateur sportif j’ai été engagé comme entraineur par un club d’Annecy. J’ai travaillé là pendant 5 ans et comme j’avais pas mal de temps libre j’ai suivi en même temps un cursus en Marketing et Communication.
Au bout de 5 ans le club n’avait plus de budget et je ne trouvais pas de boulot dans ma branche. On m’a proposé un poste d’Educateur spécialisé, auprès de jeunes en souffrance placés par l’ADASS. Certains s’en sortent, d’autres s’enfonçent dans l’échec, et quand on est leur référent on est éclaboussé par cet échec.
C’est un travail qui demande une remise en question constante, on est amené à se poser beaucoup de questions sur soi même. Au départ tu laisses les problèmes et le mal-être des gamins sur le pas de la porte quand tu as terminé ta journée, puis tu les emmènes jusqu’à ta voiture, puis jusqu’à la porte de chez toi et puis un jour ils sont présents H24 et font partie de toi.
J’étais de plus en plus miné, j’ai décidé d’arrêter et j’ai démissionné.
Le Poker était déjà dans ta vie ?
Le Poker je l’ai découvert en 2004 dans une salle de billard avec des potes. Un sit & go à 10€, un full improbable tombé du ciel avec la chance du débutant, un morceau qui passait à ce moment là et qui m’a valu mon surnom: Magic Pierrick.
J’ai continué à jouer avec eux quelques mois, mais rapidement j’ai eu envie d’affronter d’autres joueurs en Live. Je me suis dit: pourquoi ne pas organiser un tournoi. J’ai commencé à tout organiser dans un hôtel à Annecy, mais là les RG de l’époque m’ont dit stop, pas possible, illégal et j’ai dû tout annuler.
Le buisness poker s’est peu à peu développé on est en 2007, je propose au Casino d’Aix les Bains d’organiser un tournoi et d’amener des joueurs. Ils sont partant, c’est un succès 200 joueurs à 80€ de buy-in, la demande est donc là et on décide donc de continuer ensemble.
On se met d’accord sur un certain nombre d’opérations par an et le casino m’aide à monter ma société et me présente à d’autres casinos indépendants.
Ensuite ce sera des rencontres, ça avance, ça travaille…
Pas toujours facile tout ça tu as tes détracteurs…
Tu sais je n’ai jamais eu la langue dans ma poche et ça peut ne pas plaire à certains. Et puis ce n’est pas un monde tout rose le Poker loin de là: c’est un milieu difficile où tu prends des coups de couteau, tu réponds donc par des coups de fusil. Quand on essaye de te doubler tu n’as pas 50 000 choix: soit tu te défends, soit tu laisses ta place. Or c’est MON travail et je veux le garder.
C’est logique que les indépendants soient attendus au tournant et je ne suis pas le seul. Je pense à Sylvain Liotard ou à Apo… on essaye de faire dans la qualité et personne ne s’attendait à ce qu’on y arrive. Maintenant on a fait notre trou, mais des groupes ont tout fait pour nous mettre des batons dans les roues car pour eux on représente une véritable concurence.
Et puis tu sais comme moi qu’il y a des “familles de joueurs“… il faut naviguer avec tous ces paramètres. Il y a parfois des jalousies ou des rancunes tenaces quand certains pouvaient avoir le même type d’idées que moi, mais sans réussir à les mettre en place. J’avoue que j’ai pu aussi être parfois maladroit dans ma communication. On apprend de ses erreurs…
Je suis là pour défendre les intérêts de mes clients. Je me souviens par exemple de gros clashs avec Alex Dreyfus, bon ça c’est arrangé depuis, mais on avait eu des discussions vraiment houleuses à l’époque…
Organisateurs, joueurs, croupiers chacun défend son intérêt et on ne peut pas dire oui à tout le monde. A un moment il ne peut plus y avoir de copinage, mais que les chiffres!!! Je ne critique personne, je fais mon boulot depuis 6 ans avec des hauts et des bas, comme tout le monde. On parle dans mon dos, on me critique, on me déteste ? Qu’ils parlent ce ne sont pas ceux là qui me font manger !!!
Tu parles de famille de joueur: à laquelle appartiens-tu ?
Je suis un indépendant avant tout, après on a tous ses atomes crochus. Les 2 Bruno Fitoussi et Benveniste j’ai beaucoup de respect pour eux, la Team PMU dont je me sens proche, Roger même si ça n’a pas toujours été simple… et puis surtout les floors et les croupiers même si j’ai parfois pu être maladroit avec eux, mais sans eux je n’aurai rien fait du tout. J’espère avoir moi aussi apporté à certains.
Je sais que je pousse parfois les gens dans leurs derniers retranchements, c’est ma façon de faire. La meilleure façon d’écouter, c’est de faire semblant de ne pas écouter.J’ai eu parfois des clashs avec des casinotiers, des joueurs, des floors mais ça reste toujours dans le respect.
Je reste à ma place, avec ma petite société et un parcours dont j’estime ne pas avoir à rougir.
Une petite société qui fonctionne bien, on est à la veille de l’Open de France d’Annecy, en plein début des WSOPE ce n’est pas dommage ?
Ma meilleure récompense ce sont les résultats: voir le Es Saadi faire le plein, les joueurs ravis au Monte Negro, les croupiers dans de bonnes conditions de travail, les petits casinos contents. Bien sûr ça flatte l’ego, ça fait plaisir.
Annecy c’est ma ville, je m’y sens bien et cela me semble donc logique de la mettre en avant. J’ai arrété mes dates en janvier, il y a des tournois de partout et tout le temps, ce n’est pas au plus petit de toujours s’écraser. Et puis c’est un tournoi régionnal on ne vise pas du tout la même clientèle. Ce que fait le staff Barrière est énorme sur les WSOPE, ils sont vraiment au top dans leur créneau.
Moi je suis dans le local, avec un tournoi à structure correcte qui va attirer les joueurs de la région Rhônes-Alpes et beaucoup de joueurs suisses, environ 30% du field, nous ne sommes qu’à 25mn de Genève. Il n’y aura que 5 à 10% de concurents venus d’ailleurs.
J’ai une équipe de floors et de croupiers formidable, certains sont des amis et il y aura quelques nouveaux avec de jolis CV.
Tu travailles aussi avec les Clubs ?
C’est primordial de privilégier le tissu local: associations, blogueurs… On reste dans un créneau de buy-in raisonnable pour les joueurs amateurs qui peuvent se faire plaisir avec 30 000 jetons et des rounds de 40 minutes. Trois Clubs sont partenaires de l’Event: Poker Savoie, Annecy bout du lac et le Good Fold Poker Club.
Il y aura un coverage réalisé par PMU et relayé sur Facebook. C’est un tournoi convivial, presque familial: à la dernière édition je connaissais 300 joueurs sur les 350 présents !!! En revanche les règles sont appliquées de manière draconienne par toute l’équipe, je suis très à cheval là-dessus.
Comment vois-tu l’avenir du Poker ?
On est dans une conjoncture compliquée: la crise, le FISC qui a fait des dégats, un ralentissement de l’activité générale, l’exode des joueurs à l’étranger, les opérateurs en ligne qui mettent la clé sous la porte…
Je note qu’il n’est pas fait grand chose pour renouveler la clientèle. La vague de joueurs de 2009/2010 s’essoufle: beaucoup ont arrété, fondé une famille, passé à autre chose. Il y a trop d’attentisme à mon sens, pas de réels leviers d’engouement. On a voulu vendre du rêve, de l’argent facile, des voyages et c’est une connerie quand au bout du compte le joueur potentiel voit les problèmes fiscaux, l’addiction, les banqueroutes.
Il y a un vrai travail d’information à fournir pour donner envie de venir aux tables et pas en nous rabachant Vegas chaque année: beaucoup de joueurs s’en tapent complètement des WSOP.
Il faut repenser le poker de manière plus globale et prendre en compte toute l’économie parallèle qu’il crée: hôtels, restaus, taxis, commerces etc…
Merci Pierrick et rendez-vous donc à Annecy demain pour l’Open de France, dont nous suivrons attentivement les résultats.