Au Clair de ma Plume, Mon Ami Perrot
Dans ce milieu où les langues vont bon train, il y a un joueur dont je n’ai JAMAIS entendu dire de mal, ce qui est un réel exploit : Fabien Perrot. Tout le monde l’aime bien, des pros aux amateurs. Toujours disponible pour tous, souriant, athlétique, l’ambassadeur de JAQK et coach sur www.fp-procoach.com revient pour nous sur sa carrière de joueur pro, avec un regard objectif et sans concessions sur le Poker et son évolution.
Bonjour Fabien, comme beaucoup de joueur de Poker, ta passion du jeu n’est pas récente…
J’ai toujours joué, mais je dois t’avouer que le poker au départ je n’ai pas accroché du tout. Quand j’étais au lycée on jouait beaucoup au Tarot, à la Belote, à la Coinche et au Poker fermé et comme j’avais un edge à la Belote coinchée, j’en ai naturellement fait ma variante préférée.
Et puis j’ai toujours aimé manipuler les cartes et faire des tours de magie. Certains diront que c’est un vrai attrape gonzesses. Eh bien oui, je confirme ! :P. A l’époque, je jouais aussi beaucoup aux échecs et pour moi il n’y avait pas assez de créativité dans le poker fermé.
J’ai continué mes études en Grande Bretagne et faire la fête avec mes compères étudiants est devenu ma principale activité, mettant le jeu un peu de côté. Et puis en 2003, là j’étais à Barcelone, un de mes partenaires d’échecs jouait au Poker de manière professionnelle. Il m’a proposé de m’apprendre et de me coacher au Texas Hold’em et là j’ai dit …. Non !!! Comment perdre bêtement 3 ans…LOL.
C’est un vrai gros regret ?
C’est sûr que si j’avais démarré plus tôt, j’aurais eu encore plus le temps pour profiter du .com, mais il n’est jamais trop tard et la suite l’a prouvé. J’ai un parcours très atypique, j’ai beaucoup bougé en Europe, Angleterre, Espagne, Allemagne, Autriche, j’ai monté ma propre boîte de conseil en stratégie patrimoniale et j’ai à l’époque hiérarchisé les priorités.
Je n’ai donc découvert le Texas Hold’em que bien plus tard, vers 2005-2006 comme beaucoup grâce à Patrick. Pas de télé-réalité pour percer, juste du travail et des résultats. J’ai monté ma BR de 2006 à 2009, d’abord en s&g puis en cash game où j’ai gravi les limites au fur et à mesure, et enfin les MTT sur Everest Poker en 2009 avec de très bons résultats : top 4 des plus gros gagnants à l’époque sur le 3e réseau mondial.
Un casting a été organisé en janvier 2010 par Everest pour élargir son Team Pro, les critères étant les résultats mais aussi les capacités de communication. Dans le jury il y avait notamment Fabrice Soulier recruté deux mois plus tôt et Alexis Laipsker à l’époque rédacteur en chef de Poker VIP. J’ai été pris en même temps que Léo Truche et Julien Claudepierre… rajoutez Fabrice, Valentin, Antoine et Estelle Denis …quelle belle team nous faisions tous ensemble ! Et dire qu’aujourd’hui il ne reste plus que Fabsoul.
Comment t’es-tu senti dans le milieu du Poker Live ?
Ce qui est bien c’est que ma tranche d’âge me permettait de naviguer entre les deux générations de joueurs et d’être aussi à l’aise avec les jeunes « grinders » fêtards qu’avec les « Livetards » plus âgés. Je suis à la fois quelqu’un de posé, mais paradoxalement, j’ai la bougeotte. Je me nourris des rencontres, je parle 5 langues et communiquer autour d’une passion commune avec des joueurs du monde entier, j’ai vraiment adoré ça !!!
En 2010, avec le recul, la période était vraiment bizarre : les Lives fleurissaient de partout, c’était l’euphorie, alors qu’Online on était en pleine restructuration avec l’ouverture du marché et que tout le monde pressentait que ça ne se passerait pas forcément bien à moyen terme. Avec du recul, nous en avons eu la confirmation…
Tu ne trouves pas que beaucoup de joueurs à l’époque perdaient totalement leurs repères ?
Ce n’est pas faux, en effet, mais c’est heureusement en train de changer. Tu sais, quand tu payes 5 SMIC pour jouer un tournoi tu es fatalement déconnecté de la réalité. C’est un milieu extrême et certains joueurs me font penser aux stars qui dérivaient complètement paumées à Hollywood.
J’exagère volontairement un peu, mais il est vrai que le Live c’est vraiment les paillettes. On oublie trop souvent que nous évoluons dans un microcosme avec somme toute une visibilité très réduite. Une partie des joueurs ne déconnectent jamais : ils parlent, pensent poker 24/7.
En boîte ils ne vont pas danser ou draguer les nanas, ils vont prendre une cuite avec leurs potes de poker en parlant de poker. Sans compter les dérives alimentaires, l’hygiène de vie inexistante… Fabrice (Soulier) m’avait mis en garde dès le début et il avait raison. Moi qui ne pouvais me passer de faire du sport chaque jour depuis mon plus jeune âge, j’ai quasiment levé le pied pendant un an lors mon année de sponsoring!!! Inimaginable !!!
En quelque sorte, je perdais moi aussi mes repères … Heureusement j’ai vite rattrapé ça depuis
Vous étiez une équipe très soudée, comment as-tu vécu la fin de l’aventure Everest ?
Très mal, ça a été très dur car relativement inattendu. J’avais fait une assez belle année, incluant 8 TF dont une majorité sur des side Event d’EPT et des ITM régulières, j’avais beaucoup communiqué pour ma room, le Team était vraiment apprécié par tout le monde, on était les chouchous des croupiers et d’un coup tout s’arrête.
Betclic a racheté Everest et a décidé de couper le robinet, plus de contrat. De 18 personnes au global il n’y a plus que deux sponsos 2 ans plus tard : Fabrice et Benjamin Pollak. C’était vraiment difficile à accepter, tout allait si bien, d’ailleurs je me souviens que personne ne comprenait la décision de la room…
Je reste bien sûr en contact avec les autres joueurs et certains membres du staff, et même si chacun évolue de son côté, c’est toujours un plaisir de se recroiser pour discuter ou pour prendre un verre. J’ai gardé une relation toute particulière avec Fabrice puisqu’il a toujours cru en moi et m’a toujours soutenu et continue de le faire en me prenant des parts lors de mes World Series.
Même chose pour Estelle qui est maintenant sponsorisée par une autre team et qui reste une personne extrêmement sympa et agréable.
Avec ton parcours on aurait pu s’attendre à ce que tu signes avec une autre room rapidement?
Là aussi il faut de la chance et de la réussite et là je n’ai vraiment pas eu de bol. Deux mois plus tard j’étais en pourparlers avancés avec Party Poker et boum ils sont rachetés par Bwin, plus de budget. Sajoo qui aurait également pu me prendre avait signé son Team entre temps.
Chez PMU, on avait bien avancé l’année dernière et puis là encore ça a foiré pour des questions de budget … quand ça veut pas … je sais que mon image est bonne, ça bloque pour des histoires de gros sous, je ne vais pas non plus ramper pour avoir un contrat !!! Mais voilà tu vois les 3 ans de retard c’est là où tu y penses …
Maintenant c’est sûr que ça change ta manière d’appréhender le Live : le circuit sans sponsor c’est difficile pour 90% des joueurs, trop cher, trop de temps pour ceux qui travaillent. Depuis 2011 j’ai continué avec un programme plus allégé grâce au stacking, mais entre les frais et les pourcentages reversés ce n’est pas rentable si tu ne fais pas « péter » une énorme perf .
Le Poker de tournoi reste un jeu très aléatoire surtout en Live, les pros sponsorisés sont une minorité et l’échelle des gains ne redistribue pas forcément de façon optimale. Néanmoins des acteurs du circuit essaient de faire avancer les choses sur ce dernier point et nous avons vu des évolutions qui vont dans le sens des joueurs ces derniers temps et je m’en réjouie. J’espère que la dynamique va continuer dans ce sens.
On te croise souvent sur le circuit associatif aussi …
J’ai personnellement un grand respect pour le Poker associatif, je suis invité en permanence par des clubs et des organisateurs et dès que je peux je participe à des tournois ou des évènements. J’aime ça car on retrouve le vrai plaisir de jouer sans la pression de l’argent.
Bon je suis un compétiteur donc il me faut un enjeu, mais ce qui me plait avant tout dans le Poker c’est réfléchir et évoluer dans son jeu et c’est cette passion que tu retrouves intacte dans le poker amateur. Bien sûr l’argent est important dans notre société, mais pour moi ce n’est pas un but en soi.
Ce que je déteste, et là pros ou amateurs même combat, ce sont les personnes arrogantes. Je suis quelqu’un de sociable, d’abordable et je ne méprise personne. Voir un petit merdeux de 20 balais traiter un mec de 50 ans de gros fish, ça me met hors de moi !!! Trop d’ego dans le Poker, ce n’est qu’un jeu. C’est rien le Poker, ça sert à quoi au final ?
Dénigrer quelqu’un sur sa manière de jouer alors qu’il a peut-être une expertise dans un autre domaine où toi tu es une tanche, c’est juste ridicule !!! Le terme de fish me hérisse, chacun joue comme il veut, un peu de respect pour la personne en face. C’est triste mais en ce sens, le monde du Poker ressemble parfois à une caricature de la société.
Attention, qu’on me comprenne bien : il existe plein de personnes géniales dans le poker et il ne faut surtout pas s’arrêter sur les quelques imbéciles qu’on retrouve aux tables pour résumer le milieu dans lequel on évolue.
J’imagine que les personnes que tu coaches doivent adorer entendre ça …
Le coaching fait partie de ma vie. Dans mon métier d’origine finalement je faisais du coaching en économie d’impôts …
Je coache depuis deux ans et demi chez Poker Académie et j’adore ça. Il y a une vraie émulation à faire ça et on apprend en enseignant. On parlait d’hygiène de vie tout à l’heure et au Poker c’est bien de ne rien laisser au hasard.
Les joueurs ont de plus en plus envie d’avoir une vie plus saine qui influe sur leurs résultats : nutrition, sommeil, activité physique. La technique c’est bien, c’est même ESSENTIEL, mais il faut aussi un mental et une bonne forme physique. J’ai l’avantage de pouvoir offrir toutes ces facettes à mes élèves.
Tu as des élèves de tous les niveaux et à différents tarifs ?
Oui j’ai beaucoup de demandes, le bouche à oreille fonctionne bien et le lancement de mon site m’a donné encore plus de visibilité. J’ai aussi bien des joueurs récréatifs qui veulent progresser que des joueurs semi-pro ou pro comme par exemple le team pro PMU Philippe Ktorza.
Tout le monde a besoin de coaching pour avancer, on ne peut pas se donner les moyens de réussir pleinement sinon. J’aime le challenge de devoir adapter ma pédagogie à chaque cas particulier. Il faut être un bon technicien, mais aussi psychologue. La méthode à la dure à coups de bâtons, je n’y crois pas du tout.
Coacher c’est donner envie de progresser. J’ai été marqué à mes 17 ans par un stage de basket avec l’entraîneur de l’équipe de France de l’époque qui avait une approche militaire du coaching. Je me suis braqué direct, même si j’avais sûrement des torts …
Je n’avais que des mecs jusqu’à présent et là j’aimaintenant 4 filles en élèves. L’approche est différente : les séances sont plus rigolotes, la sensibilité pas du tout la même. Bon j’évite mes bonnes grosses vannes sexistes évidemment !!!
Pour le tarif c’est à la carte en fonction du niveau, de la variante, des limites. C’est logique, pas le même tarif pour les pros que pour les amateurs. Et puis je peux faire du coaching pour les clubs avec un tarif de groupe, là je suis en négociation avec deux casinos, je fais aussi des séminaires et des conférences en transposant mon expérience de joueur au monde professionnel. Ma dernière conférence juste avant Vegas a aussi été la plus grosse, puisque j’avais pas moins de 300 professionnels du secteur immobilier devant moi pour m’écouter argumenter !
Et ce grand garçon de 35 ans pense à une vie de famille ?
J’ai mis ma vie privée entre parenthèse un temps (enfin, façon de s’exprimer, hein LOL). Là je me pose et avec ma chérie nous imaginons bien sûr d’avoir des enfants. Moins de déplacements c’est tout de même mieux pour construire une famille…
Où peut-on avoir le plaisir de te retrouver prochainement ?
Eh bien écoute, je serai à Barcelone pour l’Estrellas Poker Tour à la fin du mois en tant que joueur et je resterai quelques jours supplémentaires pendant l’EPT pour accompagner et encourager certains de mes poulains. Pour ceux qui veulent faire une séance de sport avec moi sur place, c’est le moment d’en profiter ! Et si vous avez un défi à me lancer, je suis in !
Pas de langue de bois, un vrai Amour du jeu et des joueurs, de l’écoute et de l’ouverture d’esprit, pas étonnant que Fabien reste le chouchou de Pokerland. J’espère qu’il trouvera son challenger pour son défi sportif : je serai dans le rail de son côté …
Mama Bijoux