Julien Brécard : Les Copains D’abord
La première fois que j’ai rencontré Julien c’était il y a quelques années au Cercle Haussmann. Un tournoi Ladies organisé par Pokerstars, en vue d’une finale de l’émission Direct Poker sur Direct8. Il était là dans le cadre d’une opération de Presse, pour enseigner les rudiments du Poker à une poignée de journalistes de grands titres féminins.
Je débarquais, je ne savais pas qui il était, mais j’ai été frappée par sa gentillesse, sa pédagogie et l’enthousiasme qu’il manifestait à transmettre sa passion auprès de novices, sans aucune condescendance.
Et puis on s’est côtoyé de loin en loin et chaque nouvelle rencontre, intervention ou autre m’ont confirmées dans ma première idée : Julien c’est le bon pote que tout le monde aimerait compter parmi ses proches.
A l’occasion du lancement de la saison IV de la Maison du Bluff, il a accepté de revenir sur sa vie, depuis son enfance, en passant par les années de galère, puis sa rencontre avec le Poker et enfin le nouveau sens donné à sa vie par la naissance de sa fille. Rencontre avec un mec bien.
Coucou Julien on va commencer par le commencement …
Alors je suis né en 1979 à Nouméa. Mon père travaillait dans l’industrie du nickel et ma mère était banquière. En 82 ils ont décidés de rentrer en Métropole et leur choix s’est porté sur Saint Etienne pour se rapprocher d’une des soeurs de mon père : il y avait le choix ils sont 9 frères et soeurs dans le monde entier. Moi je suis fils unique.
Mon père était un sportif, ceinture noire de judo et passionné de tennis. Il a pris la gestion d’un club de tennis stéphanois et de mes 3 ans jusqu’à mes 8 ans j’ai été élevé sur les courts.
Après on est parti plus dans la campagne, mais mon enfance est resté centrée autour du sport : tennis pour faire plaisir à mon père mais surtout ma grande passion, le foot.
Je suis beaucoup plus sports Co que sports individuels. Le tennis je détestais ce qu’il y avait autour : ce milieu snob de rupins. J’adorais plus tard venir en short de foot et défoncer les fils à papa en polo Lacoste, sac Wilson avec leur 15 raquettes sous le bras.
Le foot j’étais plus dans mon élément. Vers 10-12 ans c’est devenu sérieux, j’étais pas mauvais et je suis rentré dans l’équipe de Saint Etienne et j’y suis resté jusqu’à mes 15 ans.
Et en dehors des terrains tu étais un petit garçon turbulent ?
Même pas je pense que mon énergie était bien canalisée par le sport. J’étais bon à l’école, ça s’est un peu gâté à l’adolescence. Non j’étais un gamin poli, gentil, avec des parents pas trop sévères. Et puis je ne faisais pas de grosses conneries ; quand tu es fils unique tu as cette pression de ne pas vouloir décevoir tes parents.
Ils faisaient partie d’une bande de potes composée des parents de mes copains de foot. Les apéros, les barbec’, les invitations chez les uns et les autres, la fête, une qualité de vie que tu ne trouves qu’en Province.
Quand j’étais seul même mes jeux et mes lectures étaient centrés sur le sport. Avec mes petits personnages j’organisais des matchs de boxe, des courses… Je lisais Onze, France Football, j’avais mes album Panini, du coup j’étais super bon en géographie !!
Et puis départ sur Paris …
Mon Père a eu une proposition de boulot à Paris. Mes rêves de football pro étaient morts, je m’étais fait virer du club car pas au niveau, j’avais l’habitude de déménager et de laisser mes copains derrière moi et pour un Ado Saint Etienne c’est quand même le trou du cul du monde.
On s’est installé à Courbevoie près de la Défense car une de mes tantes y habitait. T’imagines la Défense pour un petit provincial qui débarque : c’est New York !!!
Et puis en fait ça c’est pas bien passé. J’ai à nouveau rêvé de gloire au foot un temps. Je jouais au Racing Club de France au plus haut niveau des compétitions junior. J’ai atteint mes limites à ce moment-là : je n’étais pas assez fort ni techniquement, ni au niveau physique.
A Paris c’est encore plus compliqué qu’en Province : à Saint-Etienne on était 11 petits babtous, là tu te retrouves avec des grands blacks super affutés …L’ambiance aussi était moins sympa, on m’appelait “Le Paysan” à cause de mon accent.
Finalement Courbevoie c’était pas si cool non plus : tu as tous les inconvénients de Paris sans aucun avantage.
Ma seconde se passait pas top non plus… bref rien n’allait. Je suis passé de justesse en Première L.
Deux rencontres marquantes quand même à cette période …
Oui rencontre avec Benny. Je l’ai rencontré au baby-foot au lycée. On était en 1ère. On a passé le bac français ensemble, Brecard et Bruneteaux sont proches dans l’alphabet.
Benny était le meilleur ami de celle qui deviendra ma copine en Terminale puis ma femme depuis maintenant 17 ans et la mère de ma fille.
Benny a retapé sa 1ère et donc quand je suis rentré à la fac il passait son bac. Comme il était le seul à avoir un studio, son appart est vite devenu le QG de notre petite bande et j’étais tous les soirs chez lui, jusqu’à très tard. Pour te dire ses parents ont pensé plusieurs fois qu’on aurait pu “être ensemble”.
On est assez similaire tous les deux. Dingues de sport, on a la même vision de la culture sportive et on passe des heures et des heures à se souvenir d’évènements particuliers dans ce domaine. Vu qu’on a quasiment tout vécu ensemble depuis 17 ans, on essaye de se souvenir des moments forts d’avant.
Donc réconcilié avec Paris tu passes ton bac et tu décides de faire de ta passion un métier
Ma copine avec son Bac S a commencé des études d’Archi et moi je savais pas du tout quoi faire alors ça a été STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) à Nanterre. J’y ai retrouvé des potes du Racing, d’autres de Courbevoie et là c’est parti pour des études sportives à tous les sens du terme. J’ai mes potes, ma nana, c’est la fiesta, je vais à peine en cours, mais grâce à la note sportive j’obtiens mon DEUG en 3 ans. Pour ma licence là je vais plus du tout en cours je la passe en deux ans.
Je décide de partir de chez mes parents pour ne plus avoir aucun compte à rendre. Bon entre l’appart, la fête et les petits boulots pour financer tout ça, je lâche ma Maîtrise, départ dans la vie active.
Je cumule deux tafs : serveur dans un restau à Châtelet et laveur de voitures sur l’île de la Jatte. C’est une période dorée : je me fais jusqu’à 1000F par jour, après le restau c’est After avec plein de potes qui bossent dans la restauration. Je ne mets bien sûr pas un sou de côté et je gagne plus au black avec les pourboires qu’en salaire.
J’ai une vraie prise de conscience un soir de janvier 2001 en rentrant du foot. Je tombe en panne sur le périph et ma CB est aussi en panne, elle ne passe pas. Je comprends que ma vie c’est la foire à la saucisse, que ça craint et je décide de chercher un vrai boulot.
Métro, boulot, dodo ?
C’est un peu ça. Un Bac+3 c’est bâtard. Trop pour certains boulots, pas assez pour d’autres et je me retrouve guichetier à la BRED, 9H-18H, costard-cravate. C’est le passage à l’Euro, une toute petite agence, je m’occupe des petites mamies, ça se passe. Deuxième année j’apprends vraiment le métier et l’on m’offre une promotion dans une plus grosse agence. Faire ça toute ma vie ? Wow coup de flip, je démissionne.
Je travaille ensuite à fond avec ma copine sur un projet de rénovation d’un restau dans le 5e pour un mec. Au bout de six mois il disparait du jour au lendemain, j’apprends que c’est un escroc notoire et je suis bien dans la merde.
Je reprends des missions pour une boîte qui fournit des hôtes et des hôtesses. Epoque ambiance un repas par jour. Et puis les rencontres qui vont bien. Lors d’une presta pour un cigarettier je rencontre une responsable commerciale et on accroche bien et je me retrouve à faire la tournée des Bars Tabac du 7e arrondissement.
Un soir chez un de mes clients j’entends un mec parler avec l’accent stéphanois, je l’aborde, on sympathise. C’est le responsable Ile de France du Rhum Bacardi. Il m’engage comme commercial et me donne un secteur abandonné depuis quelques temps 3e, 4e, 6e. C’est l’embellie comme dirait l’Autre. Bacardi première marque mondiale de Rhum et Martini qui appartient au groupe je me fais sans me fatiguer 5 à 6 000€ par mois. Cette fois-ci j’ai compris la leçon et je mets de côté.
C’est là que tu décides de reprendre une formation …
Oui je fais une école un peu bidon dans le domaine du sport, mais je me retrouve en stage à Nîmes à Fun Radio, où je fais des news de sport et du boulot de com. Avec ma copine on s’était séparés puis remis ensemble et là du coup on est à nouveau loin l’un de l’autre.
J’avais commencé à jouer un peu au Poker sur Yahoo Poker et là j’étais un peu seul donc je me suis mis à jouer tous les soirs. De 19h à 2h du mat’ j’étais sur Party Poker à jouer des freerolls ou des play-monney.
Je rentre à Paris, on est en 2005 et je bosse pour une boîte de jeux en lignes, tu sais ces trucs où tu gagnes des points convertibles en cadeaux.
Je me suis vraiment passionné pour le Poker, j’ai converti des potes et tous les vendredis c’était tripot. J’aime pas être seul dans un délire j’ai trouvé le CP et je me suis inscrit sur le forum. A l’époque on devait être 1000 passionnés…
On reviendra après sur tes Amours contrariés avec le CP… tu décroches au culot ton premier job dans le Poker chez Everest…
Everest à l’époque était N°1 en France organisait pas mal de tournoi privé et bénévolement comme un passionné je participais à l’organisation. La nana qui s’occupait de ça était débordée et un soir elle m’a planté un tournoi de 300 joueurs CP. On se frite, elle me dit qu’elle n’y arrive plus, je la prends au mot et lui dit embauche-moi, elle me demande mon CV et boum fin 2005 je rentre chez Everest.
C’est le rêve !!! Je fais des allers retous à Boston au siège, rencontre plein de monde. Mon titre c’est Coordinateur évènementiel et relations Presse mais comme on n’a pas le droit de faire grand-chose légalement en France je suis du coup très proche de la Communauté.
Everest organise la Promo Live the Dream : 11 joueurs sponsorisés pendant un an sur le circuit Pro et je me retrouve Team Manager pour les encadrer. C’est un vrai rêve. Everest est à l’époque partenaire des WSOP, on a une loge dans le Rio, tout le monde vient nous voir…
Et puis encore une belle rencontre…
Oui je sympathise avec Benjo, je rencontre Winamax et on me propose d’exercer mon rôle de Team Manager avec comme seule contrainte un an à Londres. Il y a pire ^^ Je pars donc à Londres en coloc avec des joueurs et c’est Poker à 400%. Je voyage sur tout le circuit international et sans même m’en rendre compte avec cette overdose de Poker mon niveau explose.
Arrivent les WSOP 2009 et je décide de jouer quelques tournois sur mes jours de repos. Les joueurs me poussent à jouer, me stackent même et boum sur le premier que je joue, un 550$ au Venetian j’arrive 2e et je prends 37K. Je suis totalement euphorique. Je décide de jouer discrètement le Main au Jour1D où aucun de mes joueurs n’est inscrit et pas à pas j’atteindrai le Day 6 et sortirai en 97e position pour 47 000$.
C’est l’un des plus beaux moments de ma vie, une sorte de parenthèse enchantée. C’est vrai que 11 semaines à Vegas loin de ses proches ça attaque un peu les nerfs, mais je te jure je chialais en lisant le CP, les soutiens
Et puis de retour à Paris les choses se sont du coup gâtées avec Wina. J’avais fait une perf, mon taf, je n’ai jamais lâché Ludo qui a fait 15e, et je n’ai même pas eu un seul Good Game, ça m’a bien soulé.
Je leur ai demandé un contrat mixte de Team Manager me permettant de jouer les EPT et les WSOP et ils ont refusé.
C’est là que PokerStars prend le relais
Ecoute, ils m’ont proposé exactement ce que je cherchai…Bon après ça a été compliqué au niveau contrat car chez PS si tu travailles pour la Room tu n’as pas le droit d’y jouer. Donc finalement j’ai eu droit le 1er juillet 2010 à un contrat Team Pro… Tu connais la suite : la Maison du Bluff, les commentaires, PS Live …
Yu n’est pas un gamin de 20 ans qui n’a connu que l’Ecole puis le Poker. Sa vie est riche en rencontres et en rebondissements et je m’en serai voulue de ne pas partager avec vous l’intégralité de cette interview.
Vous découvrirez donc dimanche la 2e partie de cette rencontre où il sera question de Club Poker, de la Maison du Bluff et de sa vie de famille.
Bon week-end