Julien Junkyboy Ferey : la Fureur de Vivre
Si je vous dis Julien Ferey peut-être que ce nom ne vous dira rien. Si je vous dis Junky Boy un éclair de compréhension traversera sûrement votre regard d’enfant émerveillé.
Julien Junky Boy Ferey a plusieurs fois eu les honneurs des médias poker et des réseaux sociaux. Parfois pour ses perfs de mutant comme ce dimanche d’octobre 2012 où il s’octroie la victoire du Sunday Warm-Up, du Sunday Special et du Minuit Express sur PokerStars, pour un triplé à 55 000€. D’autres fois ce sont plus ses frasques diverses qui ont défrayé la chronique. Sex Drugs and Rock’n roll, rencontre sans langue de bois avec l’attachant Bad Boy de Pokerland.
Une enfance dorée
Julien va vivre sa petite enfance dans la banlieue de Rouen. Son papa Professeur des écoles et sa maman Contrôleur des impôts ont adopté 8 ans plus tôt un premier petit garçon et Julien est accueilli dans la famille à l’âge de 6 mois. Son statut d’enfant adopté ne le perturbe pas du tout :
« Mes parents sont mes parents, je les aime et je n’ai pas du tout envie de savoir d’où je viens. Je pourrai faire la demande, mais ça ne m’intéresse pas. Pour moi c’est ma vraie famille, mon vrai frère. On s’est pas mal chamaillé jusqu’à notre adolescence et maintenant ça va … »
Julien se retrouve tout naturellement scolarisé dans l’école de son papa :
« Je partais tous les matins avec lui en voiture. On arrivait avant tout le monde et je jouais avec mon petit ballon contre un mur. Mon père avait 30 ans de carrière, tout le monde le connaissait du coup j’étais pas mal chouchouté. J’ai vraiment eu une enfance très sympa. Enfant d’instit j’étais super bon élève, toujours dans les premiers, bien encadré par mes parents. J’étais un gamin sociable, souriant, assez agité, je communiquais facilement avec un côté hyper spontané même avec les adultes. Une fois comme ça il y avait un cracheur de feu dans la rue et j’ai fait marrer tout le monde en criant : « Mais il est con de mettre de l’essence dans sa bouche !!! » »
Suivent les années collège où les choses deviennent un poil plus difficile :
« Fin des années bénies, je prends le bus tous les jours pour aller dans un collège où les autres se connaissent depuis la primaire. Un milieu très bourge, j’ai plus de mal à m’intégrer. Je passe mon Brevet, puis lycée, pareil un établissement élitiste de la région et des profs en fin de carrière qui n’hésitent pas à saquer les élèves. Je voulais être prof de math, certainement un peu d’identification à mon père, mais dans ce lycée je passe de 18 à 1 en math. J’ai mon Bac ES j’avais ensuite comme projet d’être prof d’histoire, mais 6 au bac ça calme !!!
Même si j’étais un gamin plutôt bouboule j’ai toujours été passionné de Sport. J’ai toujours regardé les grandes compétitions sportives à la télé, lu l’Equipe tous les jours, du coup je suis une véritable encyclopédie du Sport. J’ai donc décidé de commencer une fac de Droit pour obtenir une licence afin de pouvoir intégrer une école de journalisme et devenir Journaliste Sportif. »
La bringue et le poker
Le cadre souple de la Fac de Droit va être fatal à la carrière de journaliste de Julien. Il a son appart, écume les boîtes, a un job de barman et affiche « le taux d’absentéisme le plus élevé de la fac ». Un de ses potes joue au Poker dans l’arrière salle d’un bar et lors d’une After Julien s’assoit à la table. Il fait bien sûr office de pigeon mais prend goût au jeu et dépose sur Winamax.com.
Il perd d’abord environ 400$, puis commence à gagner. Voulant prêter 100€ à un pote il se fait ban de Winamax pour chip dumping et se rabat sur PokerStars et monte peu à peu sa BR à coup de 5€ re-buy :
« Petit à petit l’oiseau a fait son nid. Je n’ai jamais lu de livres ou visionné de vidéos, j’ai une compréhension du jeu spontanée. Je n’ai jamais eu de coach non plus, mais je discute de certaines mains avec d’autres joueurs. J’avais un jeu totalement à la one again qui s’est affiné, mais je reste un joueur créatif. Je respecte tous les styles de jeu mais moi mon kiff c’est la créativité, c’est ça qui m’éclate »
Docteur Julien et Mister Junky Boy
J’aborde avec Julien la page drogue, non pour jouer le Voici de Pokerland, mais avec un tel pseudo on annonce directement la couleur. Il en parle d’ailleurs en toute franchise :
« J’ai commencé à fumer des bédos et à picoler vers 13 ou 14 ans, j’arrivais parfois mort en cours… Et puis j’ai rencontré des personnes qui prenaient de la Coke et je suis tombé dedans. Il ne faut pas croire que c’est par mal être, je ne vais pas mal, c’est plus une recherche d’expériences et de sensations. Je suis en mode free. Bon je me suis bien calmé car finalement ça ne fait pas avancer. Je peux encore parfois me mettre à l’envers mais c’est occasionnel et non plus quotidien comme ça l’a été à un moment, où je pouvais même en prendre seul chez moi. Ça ne rend pas intelligent la came et ça n’aide pas à bien jouer. Prendre de la coke en jouant c’est n’importe quoi, tu rentres dans le côté paranoïaque du jeu et avec la fumette dans l’agressivité mégalo.
J’ai commencé bien avant le Poker, mais fatalement quand j’ai commencé à gagner de l’argent j’ai attiré des jolies filles, des profiteuses sans scrupules… Quand tu gagnes 10 000€ par mois et que tu en claques 90% tu te retrouves vite broke… C’est fait, c’est fait, il faut avancer et on se relève plus fort »
Quoiqu’on ait pu voir ou lire de lui, Julien garde la tête haute :
« Ça m’est arrivé de faire des délires quand j’étais bourré, mais il n’y a pas mort d’homme !!! Fracassé comme un âne on n’est pas forcément classe, mais ceux qui en abusent sont encore pire.
J’assume mes délires on est en 2014 et chacun fait ce qu’il veut avec sa sexualité. Ceux qui parlent sur mon dos sont des gens méchants, je n’ai aucune honte, pas de problème avec ça, la vie continue, je ne suis ni un violeur, ni un pédophile et j’ai la conscience tranquille. Je n’en veux à personne, si les gens ont envie d’être cons et de devenir des haters professionnels, ça les regarde, mais ils doivent être bien malheureux dans leur vie ….
Moi je suis un extrémiste de la vie, j’assume, j’aime ça en fait. Un délire allez on part à Vegas dans une heure et on met 10 000€ sur le rouge, voilà le genre de truc qui me fait vibrer. Le plaisir de s’évader, de tout essayer… Il faut une certaine folie pour jouer au Poker. Beaucoup de grands joueurs sont aussi de gros fêtards. Les gens intelligents et qui se posent des questions sont souvent avides d’expériences, aiment aller au fond des choses, découvrir, essayer avec une curiosité presque malsaine… Regarde ce génie de Stu Ungar
Mais bon moi j’en suis sorti, je ne suis accro à rien, j’ai encore tous mes neurones mais j’aimerai toujours me la coller de temps en temps. »
Avenir et Amitié
Paradoxalement Julien avoue rêver d’un mode de vie plus classique pour son avenir et ne cache pas son affection pour ses parents :
« Mes parents ont appris mes problèmes de drogue et de dettes grâce à un appel anonyme. Ils m’ont aidé à régler certaines dettes. Je sais qu’ils ont culpabilisés, qu’ils ont remis en question leur éducation mais ils n’y sont pour rien : je suis comme ça. Je leur dois beaucoup et je serai toujours là pour eux. Ils m’ont eu tard car les procédures d’adoption sont longues, ils prennent de l’âge et je serai là pour les épauler et leur rendre tout ce qu’ils m’ont donné. Plus tard vers 35 ans je voudrai avoir une vie de famille : une femme, des enfants, une maison…
Mais pour le moment c’est le jeu. J’aimerai gagner des titres et bien sûr l’argent qui va avec, mon rêve : rentrer au top 100 mondial. »
Même s’il n’affiche aucun regret, Julien est depuis janvier dans une vraie logique de reprise en main :
« Les regrets c’est pour les faibles, ça ne fait que te conforter dans tes malheurs. Il faut savoir se relever à temps. Ok j’aurai pu mieux m’entourer, mieux gérer mon fric et la dope. Maintenant la vie est belle, on a la chance de vivre dans un pays riche, je suis jeune, j’ai du temps, tout va bien.
Je me reprends en main, je reviens sur le droit chemin, je veux devenir plus pro. Je rembourse mes dettes petit à petit, je me discipline, je me refuse à n’être qu’une étoile filante du Poker. Je vais aller chercher la gagne online sur des gros tournois et j’envisage de partir vivre à l’étranger pour jouer sur le .com : j’adore Bruxelles ville où je vais souvent, je pense aussi à Montréal où vit mon pote Albandy un reg de Full Tilt qui est un super mec. »
Sur le chapitre de l’Amitié Julien est intarissable et avoue avoir noué des relations fortes avec des profils très différents :
« C’est étonnant le nombre de personnes qui ont du cœur dans ce milieu : il y a plein de profils intéressants et atypiques. J’ai des supers rapports aussi bien avec des joueurs comme Isabelle Baltazar, Philippe Ktorza, Frank Kalfon ou Jacques Guenni, qu’avec des jeunes grinders online comme Kasher Soze, Kinn A Max, Tommydevito, Poloris entre autres…
J’ai des amitiés sincères avec par exemple Yann Brossolo ou Vuong qui m’ont énormément aidé et soutenu dans ma sale période. Même si j’arrêtais le Poker il y a des relations qui continueraient : regarde Tristan par exemple il a arrêté et tout le monde vient le voir à son food truck !!! D’autres ne sont pas sincères, mais je sais très bien à qui j’ai à faire.
On a la chance d’évoluer dans un milieu vraiment sympa et en sécurité. J’adore avoir des nouvelles des uns et des autres par Facebook, voir la bouille d’Anaïs en Australie, suivre les perfs des uns et des autres, les coups de gueule … On est au courant de tout et c’est vraiment un Univers que j’aime. »
Julien s’arme donc pour revenir au premier plan de la jeune garde des joueurs français. Il va même s’adjoindre les services d’un coach sportif et mental chez Up&Go afin de retrouver un équilibre et une hygiène de vie. On ne peut lui souhaiter que bonheur et réussite tant son énergie et son optimisme sont communicatifs : bonne route Junky Boy, mais gaffe la chaussée est toujours glissante quand on roule vite…